mardi, novembre 11, 2008

Toits de branchages

. Autre guerre, terrible, mais entre soldats, les armes à la main. La guerre dans les bois. Ici la forêt d'Argonne, en octobre 1914 . 

« Pluie, boue, froid, insomnie, faim et soif, isolement, balle, obus. Voilà nos ennemis rangés par ordre de valeur décroissante. La pluie sournoise et lentement cruelle approche. Je la sens rôder dans l’air ; sa robe grise de nuages traîne sur la forêt ; on dirait qu’elle hésite, cherche une place où se poser, joue avec nos craintes.
Un grand silence, un léger tintement ; c’est elle qui tombe. J’entends son premier bruissement sec sur les feuilles des arbres, sur les feuilles mortes, sur le toit de branchages à demi séchés dont nous avons recouvert nos tranchées... Elle tombe à petit bruit, régulière, faussement timide comme versée d’une lente inclinaison par une main prudente... Cela ne sera rien. Une demi-heure plus tard - A petit bruit, tenacement, les gouttes tombent. Elles ne sont ni plus ni moins nombreuses que tout à l’heure, mais le bruit qu’elles font en touchant terre est moins sec, car elles ont progressivement pénétré les feuilles vives, amolli les feuilles mortes, imbibé nos toits de branches. Elles coulent en un long pleur le long des troncs des arbres, avivent leurs couleurs, dégagent les verts et les noirs... »
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André Fribourg . . Ce texte est extrait d'une publication du 23 janvier 1915 de l'hebdomadaire "L'Opinion", sous la rubrique intitulée "Sur le Front". Elle est reproduite sur le site Grande guerre.

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