mercredi, avril 29, 2009

Au XVIIIe siècle, des terriers illustrés


Illustrations : dossiers du CRDP


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Aucun renard n'a pris le pinceau pour jouer avec les ocres et orner les parois de sa demeure de portraits de l'ennemi. Le mot terrier désigne ici les registres officiels des impôts fonciers, les anciens cadastres.
Au XVIIIe siècle, dans les villages de Sadournin et d'Esparros, un rédacteur rêveur et observateur a orné leurs pages de dessins. Qui osera encore douter des talents poétiques des serviteurs des impôts ?

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Dans deux villages des Hautes-Pyrénées, un homme dessinait dans les marges :

 
« comme exécution c’est absolument naïf et d’un dessin fort incorrect, presque enfantin. Cependant il y a dans cette incorrection même de la vie et du mouvement, les attitudes sont vives et pleines de vérité ; les physionomies sont naturelles malgré le trait défectueux : le bourgeois orgueilleux porte bien la marque de sa vanité, le paysan est humble et simple, comme il convient, les dévotes ont l’air extatiques, la veuve paraît chagrine, la matrone est sévère et rogue, le travailleur appliqué, l’ouvrier y est avec ses outils et sa besogne. »
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Ch. Brun , J. Maumus. Histoire du canton de Trie

 
.Naïveté du trait et délicatesse des coloris. Le personnage ci-contre est-il pauvre hère ou charbonnier ? La belle de l'image qui suit esquisse-t-elle trois pas de danse ou s'apprête-t-elle a donner un coup d'éventail ? Rigaudon ou fâcherie ?

Un paysan « scie » les blés avec une faucille, un autre laboure avec une araire, une dévote voit le ciel. En vêtements de tous les jours ou fièrement endimanchés, les habitants d'un village d'il y a deux siècles s'offrent à nos regards. Sans prendre la pose. Émouvants, drôles, riches d'information, ces documents ont été étudiés et commentés. Belle initiative du CRDP de Toulouse : il propose trois dossiers en ligne. Ils donnent un aperçu de la vie des campagnes, comme des paysages et de leurs transformations : .



« On a dévasté les haies comme les bois. Dans plusieurs cantons de la plaine, il n’y ani haie, ni fossés, ni murs entre les possessions. On prétexte le besoin de ménager le terrein. Dans quelques communes cependant, on emploie les haies et les fossés pour clore les terres.

L’aubépine vient fort bien dans la plaine. L’épine noire, la ronce, l’églantier, le houx, le troène, le
chèvrefeuille et le sureau, se mêlent dans la plupart des haies. On les taille au printemps. Beaucoup de jardins et de hautins en sont entourés.

Dans les coteaux, les haies sont moins belles. On emploie aussi les fossés. Dans les montagnes, il n’y a presque pas de clôtures. En quelques endroits seulement, on trouve des fossés, rarement des haies vives.» .

Pierre-Toussaint de La Boulinière

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DOCUMENTATION, OUVRAGE :

Village de France au XVIIIe siècle : Autoportrait : Sadournin et la baronnie d'Esparros (1772-1773)
Auteur : Christian Desplat
Éditeur : Atlantica (2003) .
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Sur la toile, les dossiers du CRDP :
I
La société rurale
II La Vie Quotidienne
III Le travail à la campagne .

Il existe également une série de diapositives, correspondant aux trois dossiers ci-dessus. .
Les terriers sont précieusement conservés aux Archives départementales des Hautes-Pyrénées. Quant à l'auteur de ces dessins, il « pourrait bien être le sieur Arnaud Marin d’Espouey, abonnateur (rédacteur) des deux cadastres. »

Esparros a depuis acquis d'autres lettres de noblesse. Son nom est de ceux qui donnent courage quand revient l'inacceptable : c'est celui d'un maquis. .



1 commentaire:

JEA a dit…

Robert Burns, toujours poète et jadis percepteur des impôts...
Lire :
http://celynelaure.blog.lemonde.fr/