Les « plantes des femmes » : une alliance salvatrice et redoutable
Reine des prés, début juin
Publication des actes du colloque de Salagon (2006)
Extrait de la préface de Pierre Lieutaghi :
« Dans nos sociétés, les grands et dignes travaux de la terre, céréaliculture, viticulture, élevage des grands animaux, conduite des bêtes de trait, sont regardées comme des attributions masculines aussi exclusives que la chasse – même si, à l’arrière-plan, les femmes interviennent partout : fenaisons, moissons, vendanges, laiterie, etc.
Reviennent en propre aux femmes des sociétés rurales, outre les tâches ménagères et le soin des enfants, la multitude de fonctions regardées comme secondaires, dont ni la tradition orale ni les textes n’affirmeront jamais ouvertement l’importance. Beaucoup de ces prérogatives obscures sont en rapport avec les plantes.
Piler l’ortie pour la volaille, ramasser l’herbe des lapins, les glands des porcs, échardonner le blé, conduire les chèvres, tamiser la cendre des lessives, rouler le tampon de prêle dont on frotte la poêle, contourner la disette avec l’aide des premières pousses du fossé, connaître et cueillir l’herbe qui calme la dysménorrhée, fait tomber la fièvre, arrête le sang, fleurir le pied des murs, demander aux feuilles et aux pétales le chemin du cœur : entre gestes et paroles, nécessités du corps et repères d’espérance, la culture féminine du végétal, ici à peine esquissée, est à elle seule une ethnobotanique globale.